L'avifaune (1)

Publié le par minique

Vautour fauve

L’implantation d’un parc éolien n’est pas sans conséquences pour l’avifaune. Les effets, même s’ils peuvent être transitoires (par exemple, les dérangements lors du chantier d’installation), sont bien souvent permanents. Ces différents impacts varient fortement d’une espèce à l’autre. L’implantation d’un parc éolien doit donc se faire d’une façon réfléchie dans le respect du milieu et sans y produire d’effets dommageables.

Impacts sur les oiseaux

 

Les oiseaux des grandes plaines agricoles subissent au fil des années de plus en plus de contraintes et voient leur habitat se réduire suite à la modernisation de l’agriculture. Leurs populations deviennent de plus en plus vulnérables et diminuent plus rapidement que celles d’autres espèces d’oiseaux vivant dans d’autres habitats. Ainsi en est-il de la perdrix grise, de l’alouette des champs, du bruant proyer et du vanneau huppé. L’installation d’un parc éolien constitue une menace supplémentaire pour ces espèces. 

La perte d’habitats, le morcellement de la plaine agricole et les dégradations occasionnées par la mise en place d’un parc (aires de manutentions, destruction de haies, de fossés, etc.), territoire d’une espèce, va entraîner une désertion de cette espèce. Les espèces principalement concernées sont le vanneau huppé, le pluvier guignard, le pluvier doré, etc. Le dérangement subi lors de la construction et de l’exploitation du parc éolien par sur-fréquentation humaine (effarouchement indirect) va éloigner également certains oiseaux (par exemple, la perdrix grise, les busards, etc.). L’effarouchement direct occasionné par les éoliennes concerne principalement les hivernants qui trouvaient à l’origine sur ces grandes plaines agricoles des zones de nourrissage et de repos. En conséquence, il y a souvent moins d’oiseaux et moins d’espèces à proximité des éoliennes par rapport à une zone contrôle, l’attractivité globale du site étant moindre. Il se crée alors un déséquilibre écologique avec modification en profondeur des écosystèmes (par exemple, augmentation transitoire de certaines espèces avec surpopulation puis disparition suite au manque de nourriture). 

Le risque de collision est moins problématique que les effets liés à l’effarouchement au niveau des grandes plaines agricoles. Il varie fortement d’une espèce à l’autre et d’une saison à l’autre. Il a pour origine deux causes : la migration et les déplacements locaux, avec comme conséquence un taux de mortalité faible pour les oiseaux nicheurs mais réparti toute l’année et un taux de mortalité plus élevé pour les oiseaux migrateurs mais sur des périodes limitées. Les espèces les plus concernées sont celles qui pratiquent le vol à voile (ou plané) ainsi que les oiseaux d’eau car ils volent à des altitudes et à des distances des éoliennes qui les mettent en danger. Les rapaces sont particulièrement sensibles lorsqu’ils sont en chasse et que leur attention est focalisée sur leur proie. L’alouette des champs et le milan royal (dont l’avenir n’est pas encore totalement assuré en Wallonie) sont particulièrement affectés. Le milan royal et le milan noir apparaissent comme les seules espèces de l’avifaune en Wallonie qu’il semble légitime de considérer comme fortement à risque vis-à-vis des collisions avec les éoliennes. À ce jour, aucun suivi n’a permis de démontrer l’efficacité de dispositifs techniques visant à réduire la mortalité des rapaces par collision avec les éoliennes (LPO : : Ligue pour la Protection des Oiseaux).

La dépression d’air engendrée par la rotation des pâles peut également plaquer les oiseaux au sol.

Les oiseaux modifient leur comportement de vol à l’approche des éoliennes. La majorité des oiseaux change son altitude de vol (Osborn et al.) et traverse le parc en volant en-dessous des pâles. De nombreuses espèces en migration ont un comportement d’évitement et modifient leur trajectoire de vol à l’approche d’un parc éolien. Les oiseaux font parfois un détour de plusieurs km, certains font même demi-tour (rare). Cette distance supplémentaire induit une dépense énergétique plus grande, susceptible d’avoir un impact sur le succès de reproduction. Cette perte énergétique peut également se retrouver chez les oiseaux nicheurs lors de leurs déplacements quotidiens entre le site de nidification et les sites de gagnage. L’impact cumulé des différents parc éoliens disposés sur un axe migratoire peut, à terme, induire une diminution de succès de reproduction d’une population donnée (cas de la grue cendrée).

L’effet barrière dépend fortement de l’agencement spatial des éoliennes par rapport aux axes de la migration et des déplacements avec comme conséquences possibles un morcellement des habitats avec perte d’attractivité pour certaines espèces et une déviation locale d’une voie de migration préférentielle.

 

Synthèse des degrés de sensibilités et des enjeux régionaux en fonction de l’espèce ou du groupe d’espèces[1]

 

[1] Auteurs : Jérémy Simar & Jean-Yves Paquet

Les oiseaux nicheurs locaux

 

Pour les oiseaux résidents sur le parc éolien ou à proximité, le risque de collision se présente toute l’année lors des déplacements entre le site de nidification et les sites de nourrissage, quand les oiseaux occupent plusieurs habitats. Par exemple, pour les rapaces qui nidifient en zone boisée et dont l’aire de chasse se trouve en zone ouverte. Un autre risque existe lors de mouvements locaux entre les habitats isolés. Par exemple, pour les oiseaux volant entre deux zones humides ou entre massifs forestiers. Or ces mouvements sont importants pour la dynamique des espèces (flux génétiques, recolonisation d’un site, etc.). Cependant, la plupart des oiseaux s’adaptent vite hormis quelques espèces.

Quant au risque de dérangement, d’effarouchement, on constate une adaptation rapide mais la densité des oiseaux nicheurs diminue et est nettement inférieure à celle d’un habitat de même type sans éoliennes.

Les oiseaux migrateurs

 

La fréquence de collision des oiseaux en migration dépend de l’intensité des flux migratoires qui dépendent eux-mêmes de la topographie locale. De plus, les oiseaux migrateurs ne connaissent pas les zones qu’ils traversent. Le taux de collision varie en fonction de l’espèce, de l’altitude de vol, du moment du vol (vol de jour ou vol de nuit), des conditions météorologiques qui affectent la hauteur du vol, de la hauteur des éoliennes ainsi que de la configuration du parc. Il faut se rendre compte que même des taux de mortalité faibles peuvent avoir des conséquences importantes pour certaines espèces, principalement celles qui ont une durée de vie élevée avec un taux de reproduction faible.

Le risque est majoré pour les passereaux volant à basse altitude et pour les migrateurs nocturnes (limicoles (petits échassiers de l’ordre des charadriiformes), passereaux insectivores).

 

Dans près de 90% des cas, les oiseaux réagissent à l’approche des éoliennes. Celles-ci ont donc un effet dérangeant qui conduit à un comportement d’évitement. Les hivernants s’habituent aux éoliennes mais leur fréquentation sur le site diminue (effet dissuasif).

La multiplication des parcs éoliens sur un axe migratoire peut entrainer des effets cumulatifs pour les oiseaux migrateurs.

 

Les oiseaux d’eau

 

Les pourtours de sites abritant des rassemblements d’oiseaux d’eau (anatidés principalement) doivent être considérés comme très sensibles. Une zone tampon de 2 km est appliquée autour de ces sites. Ces zones sont considérées comme zone d’exclusion pour l’implantation de parcs éoliens.

 

Le milan royal

 

L’avenir du milan royal n’est pas encore totalement assuré en Wallonie. Au niveau international, il fait toujours partie de la liste rouge de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature) 2018. Les enjeux pour sa conservation sont donc importants. Selon une étude réalisée par le DEMNA (Département de l’Etude du Milieu Naturel et Agricole) en collaboration avec AVES, le milan royal et le milan noir apparaissent comme étant les seules espèces de l’avifaune en Wallonie fortement à risque vis-à-vis des collisions avec les éoliennes. Selon des études allemandes, le milan royal vole entre 50 et 150 mètres de hauteur, c’est-à-dire dans le champ des pâles des éoliennes. Il semble profiter des espaces ouverts au pied des éoliennes, là où ses proies sont facilement visibles, pour chasser et se trouve donc exposé à un grand risque de collision.

 

 

En conclusion

 

L’enquête d’incidences devra tenir compte de la topographie des lieux, des zones de nidifications, des axes de migration, de la migration nocturne (radars ornithologiques), de la façon dont les différentes espèces d’oiseaux occupent le site, de l’aérologie (ascendance thermique, etc.), de l’effet cascade induit par l’effet dissuasif.

Le CDR considère plusieurs espèces d’oiseaux à risque vis-à-vis des éoliennes. En Wallonie, il s’agit du milan noir et du milan royal, de la cigogne noire, de charadriidés (vanneau huppé, pluvier doré, pluvier guignard) ainsi que certains oiseaux d’eau (anatidés principalement).

L’implantation d’éoliennes à l’intérieur d’un couloir de migration important, à proximité d’une halte migratoire, du site de nidification ou d’une zone de nourrissage d’une espèce rare doit être évitée. Les éoliennes ne doivent pas constituer une barrière en étant implantées perpendiculairement à l’axe de la migration ou en séparant deux habitats d’une espèce rare.

À noter aussi que la quasi-totalité des espèces d’oiseaux est protégée au niveau régional en vertu de la Loi sur la Conservation de la Nature. [1]

La compensation liée à l’impact sur une espèce (voir Annexe VII) doit concerner une approche plurispécifique de l’écosystème. Même des taux de mortalité faibles peuvent avoir des conséquences importantes pour des espèces à longue durée de vie avec un taux de reproduction faible. Certaines espèces rares ou en déclin sur les grandes plaines agricoles peuvent disparaitre à l’échelle locale suite à l’implantation d’un parc éolien ce qui diminue d’autant la diversité et la richesse biologique ; or la richesse ornithologique d’une zone se traduit par la diversité spécifique qu’elle abrite ainsi que par les densités de populations locales présentes. Il est donc important de mettre en place un protocole de suivi environnemental après l’implantation du parc.

Exclure les éoliennes des sites Natura 2000, des réserves naturelles et des autres zones riches en biodiversité ainsi que leurs abords immédiats ne fait pas obstacle au développement de l’éolien en Belgique.

 

[1] Décret 6/12/2001 modifiant la Loi du 12 juillet 1973 de la Conservation de la Nature: Article 2 : sous réserve du ¤ 3, sont intégralement protégés, tous les oiseaux, normaux ou mutants, vivants, morts ou naturalisés, appartenant à une des espèces vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen, notamment celles visées à l'annexe I, y compris leurs sous-espèces, races ou variétés, quelle que soit leur origine géographique, ainsi que les oiseaux hybridés avec un individu de ces espèces. Cette protection implique l'interdiction : 1° de piéger, de capturer ou de mettre à mort les oiseaux quelle que soit la méthode employée ; 2° de perturber intentionnellement les oiseaux, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente sous-section ; 3° de détruire, d'endommager ou de perturber intentionnellement, d'enlever ou de ramasser leurs œufs ou nids, de tirer dans les nids ; 4° de détenir, de céder, d'offrir en vente, de demander à l'achat, de vendre, d'acheter, de livrer, de transporter, même en transit, d'offrir au transport, les oiseaux, ou leurs œufs, couvées ou plumes ou toute partie de l'oiseau ou produit facilement identifiable obtenus à partir de l'oiseau ou tout produit dont l'emballage ou la publicité annonce contenir des spécimens appartenant à l'une des espèces protégées, à l'exception de celles de ces opérations qui sont constitutives d'une importation, d'une exportation ou d'un transit d’oiseau non indigène.

Publié dans Milieu biologique

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