Terres rares et éoliennes
La transition énergétique ne serait pas si durable que cela. Pour créer de l’énergie renouvelable, nous utilisons des matières premières non renouvelables. Un paradoxe !
Passer aux énergies vertes engendre de nouvelles pollutions car créer de l’énergie propre est un leurre : tant qu’il y aura des activités humaines, il y aura de la pollution. Nous avons juste délocalisé la pollution avec nos enjeux industriels et politiques de ces énergies dites vertes entrainant de nombreux désordres environnementaux ailleurs sur la planète. Finalement c’est le monde économique qui dirige cette transition énergétique. Elle doit engendrer des profits ; son but n’est pas de sauver la planète ou l’espèce humaine. Les impacts environnementaux ont très peu de place par rapport aux enjeux économiques.
Cette transition énergétique demande de plus en plus de métaux (acier, aluminium, argent, cuivre, plomb, zinc, nickel, lithium, etc.) et de terres rares (indium, néodyme, molybdène, etc.) afin de construire toujours plus d’éoliennes, de panneaux photovoltaïques ou de batteries pour stocker l’énergie. Nos besoins augmentent de plus de 5% par an. Nous nous créons donc une nouvelle dépendance et il faut extraire de plus en plus de ces métaux et terres rares.
Qui sont ces terres rares ?
Les terres rares regroupent 17 métaux aux propriétés voisines (chimiques, électromagnétiques, optiques, etc.). Ce sont le Scandium, l’Yttrium, le Lanthane, le Cérium, le Praséodyme, le Néodyme, le Prométhium, le Samarium, l’Europium, le Gadolinium, le Terbium, le Dysprosium, l’Holmium, l’Erbium, le Thulium, l’Ytterbium et le Lutécium. On trouve ces métaux en mélange dans un même minerai (comme le bastnäsite ou la monazite) et il est difficile de les séparer.
Dégradations environnementales et problèmes sanitaires
L’extraction et la purification des terres rares sont nocives pour l’environnement et la santé car elles entrainent le rejet de nombreux éléments toxiques (métaux lourds, acide sulfurique) et d’éléments radioactifs (uranium et thorium). L’utilisation de sulfate d’ammonium est nécessaire à l’extraction. Tous ces liquides toxiques restent longtemps dans les sols et risquent de contaminer les nappes phréatiques.
Un exemple, Baotou, en Mongolie intérieure, est le plus grand site chinois d’extraction et de raffinage. Les rejets contenant des métaux lourds et des produits toxiques sont jetés dans un lac artificiel de 10 km² dont les trop-pleins sont rejetés dans le fleuve Jaune. La radioactivité à proximité de Baotou est de 32 fois la normale. Les eaux usées s’infiltrent dans le sol et contaminent les nappes phréatiques. En conséquence, le bétail meurt, les récoltes chutent et la population est atteinte de cancers (pancréas, poumon, leucémies).
Le recyclage des terres rares
Il faut rationnaliser les ressources. Or, recycler les métaux rares coûte très cher car ceux-ci sont souvent sous forme d’alliages, de « composites ». Le coût du recyclage est plus cher que le coût de production. Aujourd’hui, on préfère donc les jeter lorsqu’ils sont usagés. En 2018 seulement 1% des terres rares était recyclé.
La Chine
La Chine a une position stratégique car elle produit 95% des terres rares et a le quasi-monopole sur d’autres métaux rares. Elle peut donc imposer des quotas, des embargos et un dumping des prix. Elle devient également de plus en plus ambitieuse et souhaite ne plus être seulement fournisseuse de matières premières. Elle veut également devenir un fabricant de produits de haute technologie (par exemple, de voitures électriques).
Utilisation des terres rares dans l’éolien
L’éolien utilise principalement le néodyme et dans une moindre mesure du dysprosium pour fabriquer des aimants permanents. Jusqu’à 1/3 du poids des aimants permanents peut être représenté par des terres rares. En Belgique, moins de 10% des éoliennes fonctionnent avec des aimants permanents contenant des terres rares (3% en France).
C’est surtout l’éolien offshore qui utilise des terres rares car elles permettent de réduire le poids des génératrices, de diminuer l’encombrement des nacelles (autorisant ainsi de plus petites fondations), d’engendrer de meilleures performances, de faciliter les entretiens et d’allonger la durée de vie du système.
L’éolien terrestre (onshore) n’utilise quasi pas de terres rares. Les turbines Enercon, Senvion et Nordex que l’on trouve en Wallonie en sont dépourvues.
À noter que l’éolien ne consomme pas seulement des métaux rares. De grandes quantité d’acier et d’aluminium sont utilisées, le câblage nécessite également du cuivre engendrant également de gros impacts environnementaux et sanitaires.
L’avenir
La transition énergétique chez nous ne peut se faire au détriment des écosystèmes et des populations locales aux sites d’extraction, de raffinage ou même de transport. Aujourd’hui, des recherches sont en cours pour minimiser ou supprimer l’utilisation des terres rares. Des études se penchent aussi sur le recyclage des aimants. Enfin, de nouvelles technologies développent des alternatives. Par exemple, en misant sur l’utilisation de matériaux supraconducteurs à haute température critique produisant des champs magnétiques puissants sans avoir recours aux aimants permanents.
Conscience et mode de vie
Aujourd’hui les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter. C’est le monde du commerce qui nous dirige. Notre modèle de développement est basé sur la croissance (dépenses, bénéfices, etc.) alors que nous devrions plutôt réduire notre consommation d’énergies et de ressources.
Quelqu’un doit payer le prix de l’énergie « verte » car il y a toujours des effets néfastes. Si nous diminuons nos émissions de CO2, c’est en partie parce que nous avons déplacé la pollution ailleurs.
N’oublions pas que les terres rares sont utilisées dans de nombreux appareils électroménagers, technologiques ou industriels. Nous en consommons tous au quotidien avec nos smartphones, écrans LCD, ordinateurs, etc.
À lire
LA GUERRE DES METAUX RARES de Guillaume Pitron aux Editions les liens qui libèrent.