Le syndrome de l'éolienne

Publié le par minique

Des milliers de riverains d’éoliennes à travers le monde se plaignent des mêmes symptômes.
La question de savoir si les éoliennes terrestres sont à l’origine de nuisances sanitaires est donc posée aux responsables politiques et autorités médicales. Comment peuvent-t-ils affirmer que les riverains n’encourent aucun effet sanitaire sans études épidémiologiques approfondies permettant de quantifier et qualifier ce risque ?

Pour l’Académie de Médecine française[1] (rapport de 2017[2]) aucune maladie organique spécifique ne peut être imputée aux éoliennes mais celles-ci peuvent affecter, au travers des nuisances sonores et surtout visuelles, la qualité de vie des riverains.

Le syndrome de l’éolienne regroupe un ensemble de symptômes et de signes. La personne présente des signes généraux (tels des troubles du sommeil, de la fatigue, des nausées, saignements de nez, etc.), des troubles neurologiques (céphalées, acouphènes, troubles de l’équilibre, vertiges, etc.), des problèmes psychologiques (stress, dépression, irritabilité, anxiété, difficulté de concentration, troubles de la mémoire, etc.), des signes endocriniens (perturbation de la sécrétion d’hormones stéroïdes, etc.), cardiovasculaires (hypertension artérielle, maladies cardiaques ischémiques, tachycardie, etc.) et des signes socio-comportementaux (perte d’intérêt pour autrui, agressivité, baisse des performances professionnelles, accidents et arrêts de travail, déménagement, dépréciation immobilière, etc.). Toutes ces manifestations cliniques ne sont pas spécifiques. Elles s’inscrivent dans ce qui est convenu d’appeler les « intolérances environnementales idiopathiques ». La plupart d’entre elles sont d’ailleurs subjectives et ne concernent qu’une partie des riverains d’éoliennes.

Les nuisances décrites sont essentiellement sonores et visuelles.

Les nuisances sonores mettent en cause les infrasons et les basses fréquences. Les infrasons sont principalement générés par le passage des pâles d’une éolienne devant son mât et par les turbulences que ce passage crée dans l’air aux alentours. L’oreille humaine perçoit les fréquences de 20 à 20.000 Hz. Les basses fréquences sont arbitrairement comprises entre 100 et 20 Hz et les infrasons en-dessous. Ceux-ci peuvent se propager sur de longues distances (plus de 10 km).  Ils sont théoriquement inaudibles ou ne le sont qu’à des intensités nettement supérieures à celles produites par les éoliennes. L’intensité des éoliennes ne dépasse pratiquement jamais les 60 dB alors que leurs seuils d’audibilité chez l’homme varient de 120 à 95 dB pour des fréquences variant de 10 à 20 Hz. Il est donc peu probable que les infrasons émis par des éoliennes installées aux distances réglementaires soient réellement nuisibles. Rappelons-nous que nous sommes également soumis en permanence à des infrasons issus de sources naturelles et artificielles (vagues, vent dans les arbres, métro, avions, etc.) sans a priori que cela n’entraîne des maux de tête, et puis, les infrasons produits par notre propre corps (battements cardiaques, respiration) et transmis à l’oreille interne sont plus intenses que ceux émis par les éoliennes. Les basses fréquences produites par les éoliennes ont elles aussi des intensités inférieures à celles perçues dans la vie quotidienne (trafic routier ou aérien, etc.). Dans certaines situations, le caractère intermittent et aléatoire du bruit, interdisant toute habituation, ainsi que les modulations d’amplitudes induites par la rotation des pâles devant le mât peuvent perturber l’état psychologique de ceux qui y sont exposés.

Les nuisances visuelles sont plutôt liées à la défiguration du paysage et ne relèvent en pratique pas de l’effet stroboscopique épileptogène (qui nécessite des conditions météorologiques et horaires exceptionnellement réunies) ni du clignotement des feux de signalisation (qui peut cependant agacer). Aucun cas d’épilepsie photosensible lié aux éoliennes n’est avéré à ce jour. Cette pollution visuelle n’est pas seulement un problème d’esthétique environnementale mais représente une réelle nuisance sanitaire car elle génère chez beaucoup de riverains des sentiments de contrariété, de stress, d’irritation, voire de révolte avec toutes les conséquences psychosomatiques qui en résultent.

Certains facteurs psychologiques interviennent dans le ressenti de ces nuisances sonores ou visuelles : peurs et fantasmes liés à de nouvelles technologies, effet nocebo (induction psychologique suite aux doléances), rôle parfois négatif des médias et des réseaux sociaux qui peuvent relayer des informations soi-disant scientifiques infondées, incidences financières et sociales avec dévaluation du bien immobilier, etc.

Une étude néo-zélandaise, menée en double aveugle, a démontré que seuls les sujets ayant reçu des informations négatives sur les éoliennes ont rapporté des symptômes (qu’ils aient ou pas été soumis aux infrasons).

En conclusion, le syndrome de l’éolienne est une entité complexe dans son expression clinique et où plusieurs facteurs interviennent : l’éolienne, le plaignant, le contexte social ou financier, etc.

Pour l’OMS, la santé correspond à un état de bien-être physique, mental et social et pas seulement à l’absence de maladie ou d’infirmité. De ce point de vue, il faut bien admettre que le syndrome de l’éolienne, quels qu’en soient les symptômes, représente une atteinte à la qualité de vie de certains riverains.

Si, comme l’a démontré des études étrangères, les riverains avaient des retombées économiques, le nombre de plaintes diminuerait de façon significative.

 

Conseils de l’Académie de Médecine française 

  • Informer pleinement les futurs riverains lors de l’enquête publique de la procédure d’autorisation.
  • N’autoriser de nouvelle implantation que dans des zones ayant fait l’objet d’un consensus de la population concernée quant à l’impact visuel.
  • Systématiser les contrôles de conformité acoustique.
  • Encourager les innovations technologiques capables de restreindre et de brider en temps réel le bruit émis par les éoliennes.
  • Ramener le seuil de déclenchement des mesures d’émergence à 30 dB à l’extérieur des habitations et à 25 dB à l’intérieur.
  • Entreprendre une étude épidémiologique prospective des nuisances sanitaires.
Recommandations de l’OMS (article présenté le 10 octobre 2018 à Bâle)

 

Pour l’OMS le bruit est l’un des risques environnementaux majeur pour la santé physique et mentale et le bien-être.

Le groupe chargé de l’élaboration des lignes directrices, en ce qui concerne l’exposition moyenne au bruit, recommande sous certaines conditions, de réduire les niveaux sonores produits par les éoliennes à moins de 45 dB Lden[3]. Un niveau sonore supérieur à cette valeur est associé à des effets néfastes sur la santé. Aucune recommandation n’est faite quant à l’exposition au bruit nocturne produit par les éoliennes. La qualité des données scientifiques relatives à l‘exposition nocturne au bruit Lnight produit par les éoliennes est en effet trop faible pour permettre l‘émission d‘une recommandation. Pour réduire les effets sur la santé, le groupe chargé de l’élaboration des lignes directrices recommande aux responsables politiques de mettre en œuvre, sous certaines conditions, des mesures adaptées, susceptibles de réduire l‘exposition au bruit moyen et nocturne provenant des éoliennes, dans les populations exposées à des niveaux supérieurs aux valeurs indiquées dans la directive. Il n‘existe cependant pas de données scientifiques facilitant la recommandation d‘un type particulier d‘intervention plutôt qu‘un autre.

Distances

 

Le niveau sonore induit par un parc éolien dépend d'un nombre important de facteurs intrinsèques à la source (puissance acoustique des éoliennes, taille du parc, etc.) et d’autres liés à la configuration du terrain (topographie, nature du sol, géométrie éolienne-récepteur) ou liés aux conditions météorologiques (vent, hygrométrie, etc.). L’OMS ne parle plus aujourd’hui d’une distance minimale à maintenir mais préfère recommander une implantation qui n’engendre pas des nuisances sonores au-delà des 45dB Lden.

Pour l’Afsset[4], s’il y a moins de 500 mètres entre éolienne et habitation, l'acceptabilité d'un projet éolien devient difficile. Au-delà de 500 m, l'implantation d'un parc éolien est possible mais une étude d'impact acoustique de qualité est nécessaire pour mettre en évidence les contraintes propres au site. Il faut prendre en compte la variabilité des ambiances sonores et des conditions de propagation.

En Wallonie, pour le grand éolien, la distance à l’habitat s’élève à minimum 4 fois la hauteur totale des éoliennes et la norme de bruit maximal est de 45 dBA à l’extérieur des habitations. Pour le moyen éolien, la distance minimale à l’habitat est fixée à 350 m et la norme de bruit à l’immission est de 45 dBA à l’extérieur des habitations. Concrètement… En pleine journée, le bruit d’une éolienne en Wallonie ne peut dépasser 45 décibels. La nuit, l’OMS recommande que la norme de bruit, perçu à l’intérieur d’une chambre à coucher, ne dépasse pas 30 décibels, soit 45 décibels à l’extérieur des habitations. La réglementation wallonne va plus loin et impose un plafond du niveau sonore à 43 décibels la nuit. En période de nuits chaudes (entendez plus de 16 C° à 22h), la réglementation est encore plus stricte et impose un plafond à 40 décibels (à l’extérieur des habitations riveraines) en zone d’habitat et d’habitat à caractère rural.

 

[1] Le Conseil Supérieur de la Santé (2013) va dans le même sens.

[3] Lden : indicateur du niveau de bruit global pendant une journée complète

[4] Afsset : agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail

Publié dans Santé et sécurité

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