Le paysage (5)

Publié le par minique

 

L’impact visuel des futures éoliennes et de leur parc doit être mis en évidence grâce à une cartographie géomatique permettant de localiser les endroits d’où les éoliennes seront visibles. Celle-ci constitue la base de l’évaluation de la perception du projet et permet de localiser des points de vue significatifs où des photomontages seront réalisés. Les critères à suivre pour déterminer ces points de vue significatifs sont la fréquentation des lieux et la reconnaissance sociale (attrait touristique, lieu de randonnée, etc.).

L’impact visuel des éoliennes n’est pas proportionnel à la distance. Il décroît très vite. Ce sont donc les premières centaines de mètres qui sont les plus importantes à tenir en compte.

 

Les lignes de force du paysage

 

Le CDR définit majoritairement les lignes de force du paysage principalement comme des éléments liés au relief.

Dans notre région, les lignes de force sont orientées par le paysage de la dépression famenienne avec le talus ardennais au sud. De plus la bande calcaire (Calestienne) présente souvent un front nord pentu et boisé.

Comme tous les territoires wallons ne présentent pas un relief suffisamment marqué pour induire ces lignes de force, les paysages sont aussi identifiables par des éléments tels que l’occupation du sol (occupation forestière, etc.), l’hydrographie, l’organisation de l’habitat, des infrastructures routières, des lignes à haute tension, etc.

La structure paysagère de la zone d’implantation correspond à un paysage vallonné et varié, dominé par les prairies permanentes et les champs cultivés, parsemé de quelques haies, arbres et zones boisées. Il se caractérise par des vues généralement ouvertes. Le réseau électrique y est présent avec deux lignes de haute tension.

 

Les parcs éoliens dans le paysage

 

Afin de proposer un projet de qualité, il est important de maintenir le caractère rural de la région, sa biodiversité, la qualité de ses paysages et de son patrimoine. Les habitants doivent pouvoir reconnaitre leur région après l’implantation d’un parc et ne pas ressentir qu’on leur a confisqué leur paysage et leur cadre de vie.

Dans la convention de Florence, ratifiée par la Belgique, le paysage est abordé en tant que relation de l’homme à son territoire dans une perspective dynamique et évolutive. La convention engage les Etats signataires à prendre en compte les paysages dans leur ensemble, qu'ils soient exceptionnels, ordinaires ou encore dégradés. Elle place aussi les populations au cœur de la problématique.

Pour que le projet éolien participe à la composition d’un nouveau paysage, la composition du parc en lui-même doit être guidée par les caractéristiques particulières du paysage. Elle doit tenir compte de ses lignes de force, qu’elle doit venir renforcer plutôt que concurrencer. C’est la topographie du site qui doit déterminer l’agencement des éoliennes : alignement ou regroupement des éoliennes.

La visibilité du parc éolien depuis un bien patrimonial ou d’un point de vue remarquable doit également être traitée dans l’EIE.

 

La composition des parcs éoliens

 

Le CDR distingue deux catégories de sites : les zones bombées et les zones planes.

Dans une zone bombée, l’implantation des éoliennes se fera préférentiellement de façon linéaire (non automatiquement rectiligne) dans l’allongement de la ligne des partages des eaux avec une ordonnance précise des mâts et la continuité d’une courbe régulière. Cette configuration exprime et renforce la topographie du site.

En zone plane (replat de sommet ou espace plan de plateau), la configuration proposée par le CDR est géométrique, éventuellement avec une trame orthogonale ou plus simplement groupée. L’objectif d’une telle composition est de créer une structure en elle-même dans le paysage. Toutefois, le CDR précise que cette configuration est plus adaptée aux parcs éoliens de grande taille, c’est-à-dire comportant un minimum de 10 mâts.

À l’échelle locale, les deux projets suivent les lignes de force que représentent le plateau agricole et les zones boisées au nord comme au sud. L’articulation paysagère est bien perceptible.

 

Principe de regroupement

 

Le principe de regroupement vise à limiter la consommation de l’espace par la dispersion des activités et des infrastructures. Dans cette optique, le CDR préconise que les éoliennes soient implantées à proximité des grandes infrastructures de transport (autoroutes, voies navigables, voies ferrées, etc.) afin d’offrir une cohérence de perception, voire un renforcement à l’image créée. L’autre avantage est la proximité des raccordements au réseau.

Au lieu de multiplier les petits parcs ou la dispersion d’éoliennes individuelles, il est préférable de chercher le regroupement de parcs plus importants. Les parcs se composant d’un minimum de 5 éoliennes seront prioritaires et l’extension des parcs existants est privilégiée.

Des contours de sécurité autour des infrastructures existantes sont à mettre en place.

En ce qui concerne l’implantation d’un parc éolien à proximité des routes à 2 voies (N593 dans notre cas), une zone tampon de 1,5 fois la longueur des pâles devra être respectée par mesure de sécurité.

La distance minimale entre l’éolienne par rapport à l’axe de la ligne électrique haute-tension doit être égale à au moins 1,5 fois le diamètre du rotor. Si l’éolienne est située à une distance comprise entre 1,5 et 3,5 fois le diamètre du rotor, le promoteur du projet avertira les gestionnaires du réseau.

Covisibilité et inter-distance

 

Les éoliennes forment des points d’appel dans un paysage comme d’autres éléments ponctuels de grande dimension tels qu’un château d’eau, un silo ou encore un clocher. Au niveau de la perception, l’impact visuel d’une éolienne n’est pas proportionnel à la distance d’éloignement.

 


Prégnance des éoliennes dans le paysage, éolienne de 150m – Source : CDR éolien, 2013

 

Le CDR distingue deux limites à 2 km et à 4 km de distance. En deçà de 2 km, l’impact visuel est considéré comme important du fait de la dimension de l’infrastructure par rapport au paysage. À partir de 4 km de distance, l’influence visuelle est estimée comme toujours visible, mais la prédominance du parc est atténuée.

À l’échelle de la Wallonie, deux types de paysages sont à distinguer : les grands paysages ouverts aux vues longues et les paysages plus mouvementés aux vues courtes ((Droeven, Feltz & Kummert, 2004). Une distance de plus de 4 km doit être respectée entre les parcs pour les paysages à vues courtes ainsi qu’une implantation dans deux plans différents (avant-plan et arrière-plan).

 

La notion d’encerclement est définie par le CDR par rapport au risque de saturation visuelle. Elle est motivée par la nécessité de préserver un champ visuel libre de toute implantation éolienne au niveau des zones d’habitat. L’impact visuel et la perception des éoliennes sont liés principalement au degré de fermeture et d’ouverture d’un paysage. Cependant, la présence de plans successifs ou d’autres points d’appel dans le paysage vont également engendrer un éventuel encerclement car ils arrêtent le regard de l’observateur.

De façon à préserver chaque village, le CDR préconise le calcul d’un azimut[1] minimal d’au moins 130° sans éolienne sur une distance de 4 km. L’étude d’incidence sur le paysage se fait sur base de la globalité du périmètre de covisibilité de minimum 9 à 11 km autour du projet éolien[2] envisagé. Une analyse de l’encerclement des villages est effectuée sur une distance de minimum 9 km.

 

Eoliennes de Baileux (Boutonville) et éolienne de Couvin visibles depuis la crête d’Imbrechies

 

 

Le parc de Baileux comprend 4 éoliennes mises en service par le développeur Greenwind en 2009 auxquelles se sont ajoutées 5 autres turbines en 2014 (hauteur des mâts : 100 mètres ; hauteur totale : 150 mètres).

L’éolienne de Couvin mise en fonction en 2006 par Greenelec Europe SA culmine à 146 mètres. A l’époque elle était l’éolienne la plus haute de Belgique.

 

Eoliennes de Beaumont-Froidchapelle depuis la crête d’Imbrechies

Le parc de Beaumont-Froidchapelle compte, depuis 2008, 10 éoliennes (hauteur des mâts : 100 mètres / diamètre du rotor : 100 mètres) qui se situent en grande partie sur Barbençon, le reste sur Erpion et Vergnies. Le promoteur est Greenwind. En 2016, une extension du parc a eu lieu avec 6 nouvelles éoliennes (promoteur Elawan). Elawan prévoit également une mise en service de 6 nouvelles éoliennes en 2020. Une enquête publique a eu lieu du 18 janvier au 18 février 2019 pour un nouveau projet de 7 éoliennes par New Wind. De plus, deux nouvelles demandes de permis ont été introduites pour une implantation à Renlies : 7 éoliennes pour Elawan (RIP le 07/03/2019) et 7 éoliennes pour CLEF-Engie (RIP le 11/03/2019).

 

[1] L’azimut est l’angle horizontal entre la direction d’un objet et une direction de référence.

[2] Pour déterminer le périmètre de covisibilité minimum, le CDR propose (option) la formule suivante : R = (100 + E) x h où R = rayon de l’aire d’étude, E = nombre d’éoliennes, h = hauteur totale d’une éolienne à l’apogée – cela représente pour Elicio un périmètre de (100+5) x 180 = 18,900 km et pour New Wind un périmètre de (100 + 8) x 150 = 16,200 km.

Photomontages

 

Pour réaliser des photomontages, une focale de 50 mm doit être utilisée pour approcher au mieux la réalité.  En effet, pour l’œil humain, l’angle de vue le plus large est d’environ 120° en vision binoculaire. Pour percevoir les couleurs et pouvoir reconnaître des symboles, l’angle de vue nécessaire à la vision humaine se situe entre 40° et 60°. Lorsque l’on compare cet angle de vue à la focale d’un appareil photographique, le format dit standard, c’est-à-dire le plus proche de la vision humaine, se trouve autour de 50 mm de focale. Une focale plus importante induit une déformation de l’image par rapport à la réalité du champ de vision humain (Genis J-C., 2002 ; Lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres., n.d.).

Une autre recommandation peut également intervenir dans l’amélioration des photomontages et l’acceptation du projet auprès des riverains : l’utilisation d’un ballon-sonde à l’emplacement futur de chaque éolienne afin de réellement observer l’impact visuel lors des visites de terrain réalisées par le bureau d’étude. Ce ballon pourrait être disposé à la hauteur qu’aura le mât ou en bout de pâles. Les visites de terrain s’exécutant normalement par temps clair, les ballons permettraient de prendre en compte des vues sur le projet non répertoriées préalablement par le bureau d’étude et ainsi représenter au mieux la réalité.

Publié dans Paysage et patrimoine

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