Infrasons et sous-sol
Les résultats d’une étude réalisée en Suisse[1] sur l’incidence des infrasons émis par les éoliennes sur la santé sont parus en septembre 2020. Ils apportent de nouveaux éléments car, contrairement à la majorité des études précédentes qui ne tiennent compte que des émissions aériennes de ces infrasons et qui sont considérées comme trop faibles pour engendrer des nuisances sanitaires, cette étude a analysé la propagation des infrasons dans le sous-sol et mis en évidence de façon scientifique, à partir d’une étude de la composition du sous-sol, les origines de problèmes de santé de certains riverains de parcs éoliens.
Jusqu’à présent les plaintes des riverains ne pouvaient être justifiées par l’intensité des infrasons largement inférieure au seuil audible et perceptible[2]. Les mesures ne tenaient également compte que de la présence d’un seul parc et généralisaient ensuite leurs conclusions à tous les parcs en ne considérant que trois facteurs : le rotor des éoliennes, l’atmosphère et les habitations hors-sol. L’étude suisse a réalisé des travaux techniques et scientifiques sur l’émission et la propagation des infrasons dans le sous-sol. Elle a ensuite comparé leur intensité avec les limites audibles et perceptibles pour l’homme dans des fréquences inférieures à 20 Hertz.
En réalisant des mesures de la vibration du sol à basse fréquence, il a été démontré que l’intensité des infrasons variait fortement d’un parc éolien à l’autre et que cette même intensité s’atténuait de façon différente avec la distance. La transmission de ces infrasons dans le sol se fait en fonction du vent et de la perturbation engendrée par le passage des pales devant le mât via les fondations de l’éolienne. Pour une machine de 3 mégawatts de puissance cette intensité varie de 40 à 100 dB à 500 mètres de distance. Cet écart n’est pas expliqué uniquement par une différence de modèle d’éolienne mais bien par une différence de la nature du sous-sol.
Dans le sol les infrasons peuvent se propager sur des kilomètres sans grande atténuation. Dans une roche calcaire l’intensité sonore à 500 mètres peut s’élever à 105 dB, ce qui représente un niveau inférieur de quelques dB par rapport au seuil audible et un niveau quasi égal au seuil sensible à 6 Hertz. Un phénomène de résonance de Helmholtz peut parfois apparaître dans une habitation, menant à une amplification de cette intensité de 10 à 30 dB et il arrive qu’au final l’intensité sonore s’élève à 120 dB quand le sous-sol est sonore (roche formée). Avec des fréquences entre 5 et 10 Hertz, le niveau sonore augmente de 10 à 20 dB par rapport au seuil audible à une distance de 500 mètres des éoliennes. À 2000 mètres de distance, le dépassement reste marqué (jusqu’à 10 dB à 10 Hertz). À l’opposé, les sols sédimentaires non transformés en roche absorbent bien les vibrations et engendrent de ce fait peu de plaintes.
En conclusion, les études faites par les géologues ont démontré que des ondes de vibration du sol (ondes sismiques) se propageaient loin des parcs éoliens avec des intensités importantes et parfois proches du seuil audible. En présence de résonance de Helmholtz, ce seuil audible d’infrasons peut être atteint. Dans des bâtiments sis à 500 mètres d’une éolienne d’une puissance de 3 MW des niveaux sonores entre 120 et 130 dB peuvent être induits lorsque le sous-sol est composé d’une roche bien formée (par exemple : calcaire) pour un seuil audible entre 100 et 110 dB suivant la fréquence.
Chaque projet éolien devrait faire l’objet d’une évaluation géologique afin de reconnaître les risques d’impacts infrasoniques. Des sites potentiellement identifiés comme pouvant occasionner des nuisances infrasonores fortes devraient faire l’objet d’une étude de mesures vibratoires dans le sol à différents endroits dont des habitations.
Enfin un durcissement des prescriptions concernant les infrasons devrait être mis en application afin de minimiser les risques sanitaires que ceux-ci peuvent provoquer.
[1] J-BERNARD JEANNERET (physicien, Dr Sc., CH 1009 Pully, Suisse), Intensité des infrasons émis par les éoliennes et sa dépendance du sous-sol et d’effets résonants dans les constructions, septembre 2020.
[2] Pour qu’un son soit audible, un niveau de 100 dB est nécessaire à 10 Hertz et de 120 dB à 1 Hertz. Cependant, des troubles physiologiques peuvent déjà apparaître sous ces intensités.